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« Occulture » est un néologisme formé par l’artiste contre-culturel Genesis P’orridge à la fin des années 1970, à partir de la contraction des mots « occult » et « culture« ,  et repris et reformulé comme concept sociologique par Christopher Partridge, un professeur de l’université de Lancaster, spécialisé dans l’étude des cultures populaires et des spiritualités alternatives,  dans son livre The Re-Enchantment of the West (2004/2005).

 

Le site de l’éditeur présente de la manière suivante le contenu de ce livre (que je n’ai pas encore lu): « après avoir résumé la thèse de la sécularisation, selon laquelle l’Occident devient de plus en plus « désenchanté » », Partridge se livre à « une analyse sociologique des nouvelles religions et des spiritualités alternatives ». Il soutient, « contre certains sociologues tels que Bryan Wilson et Steve Bruce », que « loin d’être insignifiantes, ces nouvelles formes de spiritualités constituent un aspect important du ré-enchantement de l’Occident ». Selon lui, « l’Occident est pénétré par une vaste « occulture », c’est-à-dire un réservoir d’idées, de croyances, de théories et de pratiques, sur lequel les nouvelles religions, les spiritualités non orthodoxes, le cinéma et la musique populaire ne cessent d’attirer l’attention ». « Ce ré-enchantement de l’Occident ne devrait pas être perçu comme un développement superficiel et secondaire dans l’ombre du christianisme. Il constitue à bien des égards un phénomène religieux à part entière ».

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En 2001, Partridge, dans une conférence intitulée « The Disenchantment and Re-enchantment of the West: The Religio-Cultural Context of Contemporary Western Christianity », donnée dans le cadre d’un colloque sur les « mission studies » sponsorisé par une organisation évangélique, commençait déjà son intervention par un résumé de la « thèse de la sécularisation »: celle -ci part du constat de recul de l’influence des religions traditionnelles, en particulier le christianisme, sur la société occidentale. Mais là où, depuis les Lumières, certains auteurs expliquaient ce recul par une meilleure connaissance du monde et un accroissement du savoir scientifique, les sociologues qui défendent cette thèse privilégient la recherche de causes sociales plutôt qu’intellectuelles: la modernisation, qui a érodé les communautés traditionnelles et fragmenté la société en une multitude de composantes hétérogènes, le pluralisme religieux, qui a pour conséquences un recul des valeurs communes et la croissance du relativisme, la société de consommation, qui valorise la préférence individuelle au détriment de la signification sociale de la religion, de plus en plus reléguée à la sphère privée, et la « rationalisation », qui met en avant l’efficacité, la rentabilité, la routine et la recherche du risque moindre, mène à l’accroissement de la bureaucratie et semble rendre obsolètes des pratiques ou des croyances non rentables: la prière etc. Du point de vue de ces sociologues, l’émergence de nouvelles religions et de spiritualités alternatives ne constitue nullement une renaissance du religieux, mais une trivialisation de celui-ci et l’aboutissement du processus de sécularisation: des religions privatisées, sans contraintes sociales ni réelle substance idéologique.

Sans nier que cette analyse comporte quelques parts de vérité, Partridge considère qu’elle est erronée sur plusieurs aspects importants. D’autres sociologues soutiennent ainsi que la religion en soi est tellement liée psychologiquement et socialement à notre condition humaine que même si les grandes traditions religieuses s’effondrent, il semble inéluctable que d’autres formes religieuses apparaissent pour compenser ce recul. Les théoriciens de la sécularisation en viennent à être tellement convaincus de l’irréversibilité de celle-ci qu’ils n’arrivent pas à reconnaitre l’importance des nouvelles formes de spiritualité, avec pour conséquence que la foi n’a peut-être pas tant disparu de la vie quotidienne de chacun, que de la représentation que s’en fait le monde universitaire en 2001, date de cette conférence. Le recul de la perspective judéo-chrétienne dans le monde contemporain est manifeste, mais le désenchantement, consécutif à cette déchristianisation, n’est que la première phase d’un processus plus large, dont le second est le ré-enchantement, dans une perspective cette fois non chrétienne, dont les origines remontent au Romantisme, et qui s’inspire notamment des religions orientales et du paganisme.Avec pour conséquence notable un rétrécissement du fossé entre « respectabilité » et « déviance » religieuses.

La thèse de Partridge est que la culture populaire joue un rôle clé dans ce ré-enchantement, et dans la construction de nouvelles subjectivités religieuses. Quand bien même l’intention première des auteurs de certaines oeuvres influentes était de créer de pures fictions, il existe  des corrélations évidentes entre certains thèmes de la culture populaire et les cosmologies de nombreuses nouvelles religions et spiritualités alternatives. X-Files a eu une influence mesurable sur le milieu ufologique et la popularité de celui-ci, Matrix a été ré-interprété par certains occultistes comme une série initiatique, Le Seigneur des Anneaux, quoique écrit dans une perspective chrétienne, a inspiré de nombreuses ré-écritures néo-païennes, et la croissance exponentielle de la Wicca dans le monde anglo-saxon, dans les années 1990, a correspondu à la diffusion d’oeuvres de fiction telles que Charmed, Dangereuse Alliance ou encore Buffy contre les Vampires: « La culture populaire a façonné la pensée de certaines sections de la société occidentale à un point tel que les religions alternatives et le surnaturel y sont perçus comme étant « cool » ».

Les deux caractéristiques essentielles du ré-enchantement, marqué tant par une orientalisation que par une paganisation du religieux, seraient: un regain d’intérêt envers le spirituel et le surnaturel, et une démarcation fondamentale par rapport à la vision du monde judéo-chrétienne, démarcation qui semble tendre vers un immanentisme auto-centré, voire vers un panthéisme.

Partridge souligne brièvement l’importance de ce qu’il appelle le « stage liminal du ré-enchantement », le « I want to believe » cher aux fans d’X-Files. C’est-à-dire la période transitoire, « créatrice et anti-structurelle », où des individus passent d’une perspective désenchantée du monde à un ré-enchantement de celui-ci: « insatisfaits par les visions du monde désenchantées, rendus malheureux par les religions traditionnelles, inspirés par une culture populaire de plus en plus ré-enchantée, mais pas tout à fait convaincus encore par des idées nouvelles qui paraissent étranges et irrationnelles à leur esprit sécularisé, ils évoluent d’un stage pré-liminal de curiosité détachée à un stage liminal du « I want to believe » où de nouvelles visions du monde sont  expérimentées et de vieilles certitudes sérieusement remises en cause ». Ce stage liminal est également caractérisé, le plus souvent, par un sentiment de « communitas« , de faire partie d’une communauté d’expériences partagées.

En cohérence avec le cadre confessionnel chrétien de cette conférence, Partridge la conclut par cinq implications missiologiques de ce ré-enchantement:

  1. Il déplore le fait que beaucoup de missiologues, d’apologistes et de théologiens chrétiens, notamment dans les milieux conservateurs, ont privilégié l’impact culturel du rationalisme issu des lumières dans leur réflexion, au détriment de celui plus subtil du romantisme. Ce qui les a amené à accepter trop facilement la thèse du désenchantement, et à ne pas prendre suffisamment au sérieux  le courant de pensée immanentiste et mystique.
  2. Le stage liminal est un moment où les croyances de l’individu, en pleine recomposition, sont fragiles, mais où celui-ci est souvent particulièrement méfiant par rapport à l’autorité, perçue généralement comme monopolistique et autoritaire. Les approches confrontationnelles, rationalistes ou dogmatiques, sont donc inappropriées, et une amitié vraie et humble un désir sincère de comprendre doivent donc être privilégiées sur celles-ci.
  3. Quoique les nouvelles spiritualités soient souvent auto-centrées, le stage liminal est étroitement lié au sentiment de communitas. Une certaine caricature de « l’individualisme rampant » des nouvelles spiritualités aveugle les chrétiens au besoin d’appartenance des adeptes de celles-ci. Il semble en fait plus important initialement d’appartenir que de croire, et Partridge suggère de mettre en place dans les paroisses des petites communautés ouvertes où il est possible de venir sans être chrétien, hors structures institutionnelles.
  4. La théologie abstraite et la confrontation intellectuelle de systèmes de croyances manquent de force persuasive. Les contemporains ont besoin de voir une religion fonctionner, de sentir sa vérité, et d’expérimenter ses fruits spirituels.
  5. Quand bien même le missionnaire et son interlocuteur ont en commun une même nationalité et une même langue, il n’est nullement évident que leurs référents culturels soient communs. Il est indispensable, pour communiquer, d’avoir la compréhension la plus sophistiquée et la plus approfondie possible de la culture de l’autre, de s’inculturer.
  6. Enfin, un minimum d’empathie pour la vision du monde de son interlocuteur, la culture sur laquelle il s’appuie, parait nécessaire pour susciter l’empathie et la curiosité en retour. Si on est allergique à la culture populaire, qu’on n’y connait rien, peut-être n’est-on pas la personne la plus qualifiée pour dialoguer avec des « jeunes » qui fondent sur elle leur vision du monde.

 

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Dans une conférence intitulée « Occulture is ordinary », prononcée en 2012 à l’occasion de la première Conférence Internationale sur l’Esotérisme Contemporain, à l’Université de Stockholm (et reprise dans Contemporary esotericism. ed. / Kennet Granholm; Egil Asprem. Sheffield : Equinox Publishing, 2013. p. 113-133.) Christopher Partridge revient sur le caractère beaucoup plus « ordinaire », hégémonique, de l’occulture, qu’on ne serait tenté de le croire, et rappelle la genèse, tant intellectuelle que culturelle, de ce concept.

 

Les sources de l’ésotérisme antique remontent aux premiers siècles après Jésus Christ, et une bonne partie de la pensée ésotérique contemporaine s’est développée depuis la Renaissance et la redécouverte de ces textes du début de notre ère, en passant par le « revival » de la fin du XIXème siècle. Cependant, depuis les années 1960, l’Occident a vécu l’émergence d’un contexte politique et culturel particulièrement favorable à la prolifération d’idées et de thématiques ésotériques. Ce contexte est tributaire de certains aspects de la modernisation et de courants culturels relativement récents tels que le romantisme ou l’orientalisme. La perte d’influence des sources traditionnelles d’autorité et la valorisation de l’expérience personnelle et de la liberté de choix, la diffusion des spiritualités orientales suite à la colonisation, interprétées d’une manière qui accentue ce recentrement sur le « soi » individuel, les niveaux d’affluence inédits permis par l’essor des sociétés capitalistes et l’émergence de la société de consommation, où la spiritualité est devenu, comme les autres aspects de la société, une marchandise ayant vocation à être commercialise, diffusée et publicisée, ce qui ne signifie par que l’ésotérisme se réduise pour autant à un enjeu économique, , les transformations de nos identités individuelles induites par la globalisation et les avancées technologiques,  une plus grande sécurité matérielle et alimentaire, qui a favorisé le passage d’une société matérialiste, tournée vers les besoins vitaux, à une société post-matérialiste, qui a le temps et l’argent pour mettre au centre de ses préoccupations des interrogations spirituelles et des questionnements sur le potentiel d’évolution de chaque individu, et enfin la distanciation progressive de chaque génération successive envers la spiritualité chrétienne, sont autant de facteurs qui suggèrent que notre société occidentale ne devient pas moins religieuse, mais religieuse différemment. Notre société n’est pas seulement une société sécularisée, mais une société où convergent sécularisation et sacralisation. Et, au coeur de cette sacralisation, Partridge identifie un phénomène qu’il appelle occulture, et qui, à mesure qu’il prolifère, devient de plus en plus ordinaire.

« L’occulture, au sens sociologique du terme, désigne l’environnement dans lequel, et les processus sociaux par lesquels, des signifiants particuliers, en lien avec des idées spirituelles, ésotériques, paranormales ou conspirationnistes, émergent, sont disséminés, et exercent une influence croissante sur les sociétés et les vies individuelles. La culture populaire est au coeur de ces processus, en ce qu’elle dissémine et remixe des idées occulturelles, et se fait ainsi l’incubateur de nouveaux germes de pensée occulturelle ».

 

Ce concept d’occulture a pour vocation de se substituer à celui de milieu cultique forgé par le sociologue Colin Campbell au début des années 1970, et que Partridge critique dans les pages suivantes. Ce milieu cultique inclut tous les systèmes de pense « déviants » et les pratiques qui leur sont associées. Il inclut des réseaux, des embryons d’idées, divers textes ou auteurs qui font autorité dans ce milieu, ainsi que des groupes spécifiques. Son centre de gravité repose sur l’occultisme moderne, la magie, et certains thèmes orientalisants. Deux autres sociologues, Lööw et Kaplan, ont revisité plus récemment ce concept en le redéfinissant comme une zone où des connaissances interdites ou marginales, « oppositionnelles », sont échangées, modifiées, rejetés ou adoptées par les adhérents de groupes innombrables et souvent éphémères. Cette définition, quoique plus large, soulève deux problèmes: d’une part, la diversité des croyances et pratiques que ce concept cherche à englober est telle que continuer à les représenter comme une entité unique montre rapidement ses limites. D’autre part, quand bien même on arriverait  le définir de manière suffisamment large, il échouerait néanmoins à expliquer les processus de ré-enchantement à l’ouvre dans notre société. A la différence de ce concept de milieu cultique, celui d’occulture s’intéresse moins à des groupes, systèmes de croyance et pratiques spirituelles particuliers qu’aux conditions dans lesquelles ces écosystèmes sont formés et des « structures de plausibilité » qui les rendent possibles. Ce qui permet de s’interroger sur la pertinence de parler de ce phénomène en terme de « contre-culture oppositionnelle ». Ce mot « occulture », qui dans l’interprétation de Partridge s’inspire de la thèse de Raymond Williams suivant laquelle « la culture est ordinaire », juxtapose le terme « occulte », qui évoque ce qui est caché, l’exotique ou l’élite, et le mot « culture, qui renvoie au contraire au quotidien. Sans nier qu’il existe dans cette occulture des aspects oppositionnels ou contre-culturels, Partridge utilise ce terme pour suggérer l’existence d’un occulte démocratisé, et d’un ésotérisme « ouvert ».

Comme Lööw et Kaplan le souligne, il a toujours existé dans la société occidentale un petit milieu souterrain d’adeptes de l’ésotérisme, mais la société dans son ensemble, et pas seulement de petites communautés souterraines et élitistes, a toujours eu ce penchant pour l’occulte ou l’interdit. Ainsi, au Moyen-Age, la religion chrétienne a fonctionné dans la conscience populaire comme « un réservoir de pouvoir magique, capable d’être déployé pour une variété d’usages profanes », et la synergie entre la théologie chrétienne et des croyances populaires locales a produit une occulture christianisée (l’usage magique des prières et des exorcismes, les pouvoirs surnaturels attribués aux saints etc.). L’ésotérisme a aussi joué un rôle significatif dans l’émergence de la société moderne. Ainsi, son influence est perceptible dans le Romantisme. L’occulture, sans nier ses aspects plus marginaux ou minoritaires a toujours eu un pied dans le monde quotidien et ordinaire.

Citant à nouveau Raymond Williams à propos de la culture, Partridge que l’occulture peut s’entendre à la fois comme un mode de vie à part entière et comme des processus spécifiques de découvertes et d’efforts créateurs. Le concept de milieu cultique recouvre assez bien le second aspect, mais le premier semble renvoyer à une réalité baucoup plus vaste.  Entre le déclin de l’hégémonie chrétienne et l’émergence de la société de consommation, l’influence de plus en plus grande de la culture populaire et des médias ont considérablement contribué à la croissance et à l’influence de l’occulture contemporaine, en disséminant ses idées, en créant des synergies et en encourageant l’émergence de nouveaux germes de pensée occulturelle. Partridge cite deux exemples significatifs: l’énorme succès commercial du Da Vinci Code,et de sa suite, dont la dette envers l’occulture est flagrante, et le dédoublement de la proportion des ventes d’ouvrages ésotériques entre les années 1930 et 2000, au regard de l’ensemble des ouvrages religieux.

Dans la dernière partie de la conférence, Partridge revient sur les origines du néologisme « occulture », qu’il a découvert dans l’oeuvre de l’artiste, « ésoterroriste » et « ingénieur culturel » Genesis P’orridge (Neil Andrew Megson, 1950-), qui a théorisé l’idée qu’une poignée d’individus, en couplant la dissémination par la musique la littérature, le cinéma ou internet d’idées ésotériques à des pratiques magiques pouvaient avoir un « impact disproportionné » sur la culture. Sans bien sûr approuver les aspects les plus anti-sociaux et transgressifs de cet « ésoterrorisme », Partridge s’en est inspiré pour construire sa définition sociologique de l’occulture: « des micro-idées avec des macro-effets »

Dans la conclusion de cette conférence, Partridge souligne que:

« L’occulture n’est pas la culture occulte, au sens où ce n’est pas le milieu de l’ésotérique et du caché (quoiqu’elle inclut tout à fait ce qui est ésotérique ou caché) et elle n’est pas non plus le lieu de l’exotique et de l’interdit (bien qu’elle inclut tout à fait l’exotique et l’interdit). Elle est plutôt, comme la culture – dont elle est bien sûr une composante- ordinaire et quotidienne. En tant que telle, l’occulture, comme la culture, est un explanans pour le ré-enchantement de l’Occident, plutôt qu’un terme de jargon pour désigner la culture occulte.En effet, elle est la raison pour laquelle la culture occulte per se  semble souvent, à un certain niveau, plausible et attirante aux yeux de beaucoup de gens ».

Pour conclure ce compte rendu de deux conférences de Christopher Partridge, sur le ré-enchantement de l’Occident et sur l’occulture, je voudrais faire deux remarques:

  • Il est banal, chez les catholiques français, beaucoup d’entre eux en tout cas, de postuler la thèse de la sécularisation, et d’expliquer la perte d’hégémonie de l’Eglise catholique par la recherche de la rentabilité, l’individualisme, et le relativisme culturel, et les difficultés sociales et culturels induits par ces derniers par la perte de la transcendance, l’oubli des racines chrétiennes, de la transmission, de la famille etc. Peut-être conviendrait-il de se demander pourquoi tant de contemporains qui fuient la sécularisation, et qui cherchent à « ré-enchanter » le monde, ne veulent surtout pas du modèle chrétien traditionnel? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans celui-ci, qui suscite un tel rejet? il semble que la réponse chrétienne typique à l’occulture soit: plus de tradition, plus de rigueur doctrinale, plus de « comme avant ». Il parait que vouloir produire des effets différents  à partir des mêmes causes est la définition de la folie.
  • L’analyse par Christopher Partridge du « stage liminal », qui correspond à mon expérience personnelle de ce type de parcours, me parait montrer que l’attrait pour les croyances ésotériques ou l’irrationnel ne se résume nullement à une question d’ignorance ou d’inculture. En fait, je suis persuadé qu’absolument n’importe qui, quelque soit son capital culturel, sa formation, ou son statut social, est susceptible d’accomplir ce voyage, pour peu que les fondamentaux de sa vision du monde soient sérieusement ébranlés, et qu’il trouve du sens dans cette occulture. Lui opposer l’étude de la « grande » culture est donc parfaitement illusoire, d’autant que celle-ci a souvent contribué elle-même à la disséminer (la littérature romantique, par exemple). Qu’on veuille la combattre ou s’en inspirer, on ne peut faire l’économie de la connaitre et d’en comprendre l’histoire et les mécanisme. Trop souvent, le mépris est le masque du déni et de  la peur.